mardi 18 juillet 2017

Un livre du venir de la jeune fille

Françoise Delorme, A la longue, Saint-Benoît-du-Sault, Tarabuste éd., 2017.



Ce livre fait un poème en quatre temps. Il creuse un problème poétique/politique que je vais suivre à la trace, porté par le poème qui invente de je en je une solitude partagée partageable de solitaires solidaires – pour reprendre à Hugo mais peut-être en ajoutant ce qu’écrit Françoise Delorme : « Pour parler, il faut une langue. Et des dents » ! Alors le poème fait entendre, entre autres, Sibélius et les couleurs ou plutôt, comme disait Braque, l’entre-deux, l’interstice de tout… Comme ces mots qu’on ne connaît pas ou si peu : aphylantesastrance… mais c’est tout le langage, sa grammaire et surtout son allure, qui se met à l’inconnu d’une écriture sur la neige, avec les mains au milieu des paroles, dans l'éphémère de toute parole. C’est un poème matérialiste qui pense sa condition et sa situation jusqu’à l’attention portée à l’infime, à l’invu,  à l'inattendu… Ce milieu des paroles est le début d’un entraînement à la danse ; ça peut être avec un titre de James Sacré mais aussi avec un oiseau – un cabaret par exemple ! Bref, le poème se fait chant en allant jusqu’à nous faire avaler l’oiseau sans recracher les plumes ! Au bord d’un humour ou à deux doigts de l’ironie, tout le livre ne fait qu’œuvrer à la venue des voix – jusqu’à des visions agrandissantes quand le fleuve devient la mer ou quand la peinture devient poème. Bref il faut tout reprendre : et d’abord les infinitifs de dire à écouter en quatrains où tout le discontinu se dénoue en continu : ce serait modeler avec des mains d’argile. Et l’on sent jusqu’au moindre tournant du poème l’inflexion d’une main qui a longtemps cherché cette naissance à la longue : devenir partie prenante, elle attend que naisse le texte. Ou plutôt la jeune fille dit : « vous existez aussi et c’est depuis toujours… », depuis l’art pariétal comme le bruit du temps ou l’épaisseur du noir. Toute l’écriture de Françoise Delorme emporte cette hétérogénéité temporelle, discursive, de matières-vies-voix dans l’ouvert des arbres sans aucun mot d’appartenance autre que venir : elle vient la jeune fille comme le poème. À la longue. Tout le livre est ce venir, cette naissance, cette jeune fille, cette poussée vocale, cette relation. 

On peut commander ici : http://www.laboutiquedetarabuste.com/fr/collections/doute-b-a-t/autres/delorme-francoise-a-la-longue/201

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